Dossard du décathlon: le beau geste de Kevin MAYER
Anéanti par ses trois essais mordus au saut en longueur, Kevin MAYER reste un long moment prostré sur le stade Olympique de Berlin qui a vu Jesse Owens triompher en 1936, Zinédine ZIDANE donner son coup de tête en 2006 et Usain BOLT pulvériser le record du monde du 100 m en 9.58 aux championnats du monde de 2009.
Il accepte néanmoins de parler au speaker du stade et admet à la fois "un jour noir" et une "kleine Katastrophe".
Puis, dernier decathlonnien à sortir du stade, il se décide enfin à regagner le vestiaire. Après son triple échec au saut en longueur pour trois planches mordues , il tient son dossard dans la main gauche et passe devant les quelques spectateurs l'attendant à la sortie.
Il accepte deux ou trois selfies devant nous se laisse prendre en photo puis s'éloigne de quelques pas avant de revenir pour un geste symbolique: il a vu un jeune allemand à qui il a décidé de donner son dossard.
Pour David AUGENSTREIN, 7 ans, et sa soeur Julia venus spécialement de Heidelberg pour l'encourager, c'est plus qu'une consolation: c'est un grand privilège de recevoir ce cadeau inattendu.
Alors que Mayer aurait pu (qu'il aurait dû?) continuer la compétition, on comprend tout de suite qu'il vient de décider d'abandonner ce decathlon qui s'offrait à lui après son triple zéro pointé à la longueur.
Disque rayé
Les deux autres français, GADO et MARTIN, eux aussi victimes de la même mésaventure avec trois essais mordus, continueront le concours et se présenteront à la troisième épreuve, le disque.
La coupe était pleine pour les supporters français. Le (triple) sot était vide pour nos décathlonniens.
Kevin MAYER, immense favori de l'épreuve et pourtant à fond la forme, quitte son déca et ne remettra plus les pieds sur le stade, sauf du côté tribune et du côté télé...
Le pire et le Mayer
Il nous reste, en guise de consolation, la photo avec son dossard, quelques mots échangés et son regard dépité en guise de maigre souvenir d'un espoir envolé.
On se console comme on peut avec ce petit scoop laissé par Kevin et ces quelques souvenirs en images.
Objectif atteint
Au cours de son bref concours,il nous aura donné le Mayer et le pire: un premier record perso battu sur 100 mètres, lui rapportant déjà quatre points de plus que prévu et un intérêt marqué des caméras allemandes.
Grâce à ce départ en fanfare, Kevin avait sans doute en ligne de mire un déca de folie à la poursuite du record du monde d'Ashton EATON.
Restait à marquer les esprits à la longueur sur ce sautoir mythique qui avait vu s'envoler Jesse OWENS.
Et l'envol de Kevin semblait parfait, sauf que que juge a vite levé son drapeau rouge une fois, puis deux, puis trois....
Hélas, trois fois hélas, il y eut cet invraisemblable triple "mordu" au saut en longueur.
Il n'a pas voulu gagner petit: il a choisi le panache d'une victoire avec, sans doute en tête, un record du monde de la spécialité.
Pas question de hurler avec les loups et de parler, comme certains, de "faute professionnelle".
Il a voulu marquer et un maximum de points et les esprits.
Comme Eunice BARBER marquant zéro au poids lors des championnats du monde de l'heptathlon en 2001, Kevin MAYER aura chuté pour ne pas avoir voulu assurer.
Et son décathlon 2018 se sera résumé à un biathlon...
De Mayer en Vicaut, de Charybde en Scylla
C'est une cruelle désillusion que n'efface pas son beau geste final!
Kevin MAYER et ses supporters ont pu découvrir que la roche Tarpéienne est proche du Capitole avant que Jimmy VICAUT le même soir nous fasse tomber de Charybde en Scylla.
Dans le sport comme dans la mythologie, les choses vont parfois de mal en pis!
Et ce n'est pas le 100 m de VICAUT qui prouvera le contraire. La médaille d'or lui semblait promise après sa demi-finale victorieuse. Il nous restera l'image de cette photo avant sa demie
Absent au départ sans qu'on ait été informé de la raison de ce forfait, il gardera une réputation bien assise de coureur sans grand titre européen à cause de blessures à répétition.
On voyait VICAUT remporter la finale dans un fauteuil. On se souviendra de VICAUT, le cul sur un plot...
Vicaut n'avait sans doute pas la frite!
De grands espoirs en grosses désillusions, de Mayer à Vicaut, on sait désormais que le supporter français ne doit plus jamais vendre la peau de l'ours.
A fortiori quand il est Berlinois...
Textes et photos: Alain CADU
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